Ce numéro est rédigé durant la période de confinement due au
COVID 19 et pour lequel nous tenons à remercier
les contributions des membres et partenaires du
GSDM. Les séries d’articles relevant de la recherche
sur la matière organique et la fertilisation minérale
sont révélatrices des stratégies paysannes dont
il faut tenir compte dans les programmes de
développement en matière d’agriculture familiale.
La recherche nous promet d’autres articles dans
ce sens. Compte tenu des engouements actuels
des paysans pour le mucuna dans la gestion de la
fertilité des sols, un article sur son utilisation en
alimentation animale est présenté par la recherche.
Les contributions des membres et des partenaires
du GSDM sur les expériences/leçons apprises des
projets/programmes en matière d’agriculture
climato-intelligente et d’Agro-écologie sont très
enrichissantes pour nos échanges. En particulier,
les leçons apprises en matière de bonnes pratiques
agricoles, de ady gasy ainsi que les témoignages de
paysans contribuent encore une fois au plaidoyer
pour l’Agro-écologie pour la conservation de
notre patrimoine sol et de notre biodiversité
exceptionnelle.
Nous avons mis dans cette édition la biographie
de Lucien Séguy qui nous a quitté le 27 Avril
2020, en hommage à cet agronome, chercheur
et pionnier en l’agriculture de conservation (ou
SCV) à Madagascar comme à l’étranger. Merci à
ses collègues proches et à sa famille d’avoir rédigé
cette biographie ainsi que le livre d’or numérique à
sa mémoire en cours de préparation.
Nous avons le plaisir de présenter à nos lecteurs
l’édition N° 5 du Journal de l’Agro-écologie. A part
les activités menées dans le cadre du projet PAPAM,
composante 2 et le nouveau projet MANITATRA 2 sur
financement de l’UE et mis en oeuvre par le COMESA
dans le cadre de l’alliance globale sur le changement
climatique (Intra-ACP GCCA+), le Journal présente
les activités des membres et des partenaires du
GSDM dans plusieurs régions de Madagascar et dans
différents domaines en lien avec l’Agro-écologie et le
changement climatique. L’Agro-écologie couvrant des
domaines très larges, cherchant à mieux valoriser
la résilience des écosystèmes cultivés, le journal
valorise ainsi les acquis des techniques comme la
rizipisciculture, la permaculture, les semences SQD
etc. pour ne pas trop dépendre des énergies fossiles
et mieux valoriser entre autres, les bonnes pratiques
agricoles et les bio-pesticides.
Présentation atelier Interface Recherche et Développement 2020 :Fertilisation dans les EA des Hautes Terres : des pratiques aux performances, quels
enseignements pour la recherche et le développement
Une étude a été menée dans le cadre du projet SECuRE afin de caractériser les pratiques de gestion
de la fertilité des sols par les exploitants agricoles familiales (EAF), d’évaluer leur niveau d’adoption
et les résultats économiques. Deux zones ont été ciblées : le Moyen Ouest de Vakinankaratra
(Mandoto) et la zone Est de l’Itasy (Arivonimamo). L’enquête a été réalisée sur un échantillon de 323
EAF, dont 152 EAF à Mandoto et 171 EAF à Arivonimamo.
L’étude a permis de faire ressortir les principales caractéristiques structurelles des EAF.
Vingt techniques susceptibles de gérer la fertilité du sol ont été pré-identifiées. Le niveau d’adoption
est très élevé dans les deux zones pour l’apport de fumure organique (FO), la rotation/association
culturale et la culture de légumineuse. Les niveaux de perceptions des paysans vis-à-vis des apports
des techniques sur la fertilité ont été évoqués.
Un focus est donné sur les apports de FO et d’engrais. La production moyenne annuelle de FO par
EAF est plus importante à Arivonimamo (2,17 t) qu’à Mandoto (1,87 t), et principalement composées
de fumier mélangé et de fumier de bovins. La quantité de FO disponible (utilisée) par ha de SAU est
de 3,5 t/ha de SAU à Arivonimamo alors qu’à Mandoto, la moyenne est de 1,7 t/ha. Une grande
majorité des EAF font des échanges (achat, vente ou troc).
A Mandoto, les producteurs ont une stratégie de fertilisation des céréales pluviales sur tanety (le riz
pluvial et le maïs reçoivent 74% de la FO disponible et 40% des engrais minéraux), avec un transfert
de fertilité des rizières vers les tanety (le fumier intègre des pailles du riz des rizières). Le riz irrigué,
ne reçoit pratiquement pas de FO et très peu d’engrais. A Arivonimamo, la situation du riz irrigué est
approximativement la même. Les cultures maraichères sont privilégiées et reçoivent 46% de la FO
et 77% des engrais. Ce sont les cultures sur de petites surfaces, exigeantes en fumure mais aussi et
surtout fortement commercialisées qui reçoivent donc l’essentiel de la fertilisation.
En matière de performance économique, en moyenne un ha cultivé produit environ 1,1 million d’Ar
à Mandoto et 1,9 million d’Ar à Arivonimamo. L’écart est lié à une meilleure valorisation des produits
et la part des productions à haut produit brut. A Mandoto, la fertilisation ne représente qu’une faible
partie des charges moyennes (13% soit 41 000 Ar/ha dont engrais achetés à 3%). A Arivonimamo,
la fumure occupe la place la plus importante avec 41% du total (soit près de 215 000 Ar/ha, dont
48 000 Ar en engrais achetés). Les répartitions des charges par culture confirment les stratégies des
EAF.
Les EA s’investissent bien dans les spéculations commerciales (en lien aux marchés et prix). Quelques
questionnements se posent : les agriculteurs ne fertilisent pas le riz sur bas-fonds, pourtant une
culture stratégique ? Est-ce lié à la question de rentabilité d’augmenter les rendements de riz ? Ou,
est-ce une pure gestion de fertilité des sols.
La fertilisation organique est une option d’intensification écologique choisie par les agriculteurs et à
pousser, mais dans un contexte difficile de diminution du cheptel.
Sont également invités à partager leurs expériences/résultats de leur recherche les grandes
exploitations et les acteurs de l’Agriculture Biologique.
Thématiques de présentations suivi de question-réponses
1. L’Agro-écologie en réponse aux enjeux du changement climatique et la sécurité alimentaire
2. Quels systèmes de production Post COVID 19 en réponse à la sécurité alimentaire
3. La gestion durable des terres (GDT) en lien avec la productivité agricole et la lutte contre
la désertification
4. Quelles alternatives autour des Aires protégées et des Parcs nationaux
5. L’Agriculture biologique, enjeux, opportunités pour les petits producteurs
Présentation atelier Interface Recherche et Développement 2020 : Les méthodes culturales comme moyen de contrôle de Spodoptera
frugiperda (lepidoptera : noctuidae)
Spodoptera frugiperda (J.E. Smith, 1797) ou Chenille Légionnaire d’Automne(CLA) est un problème
majeur de la culture du maïs en Afrique, ce ravageur pouvant causer parfois la perte totale des
récoltes. La FAO préconise l’application de méthodes de lutte durable contre ce ravageur. C’est
ainsi qu’en Afrique, le technique push pull utilisant des plantes répulsives comme Desmodium
intortum (Mill) Urb et attractives telles que Brachiaria sp et Pennisetum sp a permis de diminuer
l’impact du ravageur. A Madagascar, cette méthode est actuellement testée. Mais dans cette
étude, les méthodes culturales seront exploitées. Il s’agit de i) varier la densité et la date du
semis du maïs et ii) tester différents systèmes de culture : maïs en culture pure ou en association
avec des légumineuses ou autres cultures iii) en saison culturale du maïs et en contre saison. Les
expérimentations ont été réalisées dans des dispositifs de recherche et en parcelles paysannes à
Ivory au Moyen Ouest du Vakinankaratra et à Alaotra Mangoro. Le taux d’infestation du maïs a été
évalué selon la méthode “W” de (Chinwada ,2014).Il consiste à sélectionner au hasard cinq points
d’échantillonnage (A, B, C, D et E) pour couvrir le plus de champ possible pour chaque système.
Les insectes associés au maïs ont été capturés au filet. Des larves saines et infectées de CLA ont
été collectées et incubées au laboratoire en vue d’obtenir des souches de parasitoïdes ou des
pathogènes. Les résultats attendus sont une diminution du taux d’infestation de la CLA ainsi que la
présence des ennemis naturels qui contribueraient au contrôle du ravageur.
Il a été constaté que le maïs semé tardivement (Février) est plus infesté (49,5%) que les cultures
en semis normal (Décembre) (28,25%). Le taux d’infestation est moins élevé (18,25%) pour un
écartement de 1m x 0,7m entre les pieds de maïs que pour 0,8m x 0,5m (32,5 %). A Ivory, les
associations avec les légumineuses diminuent l’attaque de la CLA : 20% pour le système Maïs+soja,
20,12% pour Maïs+crotalaria, 20,50% pour Maïs+mucuna et 91,30% pour le maïs en culture pure.
A Alaotra, le système Mais+niébé est le moins attaqué (26,25%) par rapport au système Maïs +
Mucuna (35,50%) et maïs en culture pure (95%). En contre saison, le système Maïs+chou (20%)
est le moins attaqué par rapport aux autres systèmes Maïs+concombre (45%), Maïs+poivron
(70%) et Maïs+ Haricot (85%). Les cultures associées attirent et constituent des sites de refuge
pour les insectes auxiliaires tels que les prédateurs (Forficula auricularia, des fourmis et des
larves de Coccinellidae) et des Hyménoptères parasitoïdes : deux ont été recensés à Ivory comme
Sympiesis sp (Similarly. E, Hymenoptera: Eulophidae), Tetrastichus howardi (Olliff, Hymenoptera:
Eulophidae) et deux autres espèces en cours d’identification à Alaotra.
Les méthodes culturales sont bénéfiques pour contrôler les populations de Spodoptera
frugiperda et maintenir la productivité du maïs. Elles sont aussi utiles pour diversifier et
préserver les ennemis naturels de ce ravageur.
Mots clés : Spodoptera frugiperda, maïs, lutte, méthodes culturales, ennemis naturels.
Présentation atelier Interface Recherche et Développement 2020 : Comment limiter l’apparition de flétrissement bactérien causé par
Xanthomonas oryzae pv. oryzae sur le plan du contexte
agro-écologique ?
Le riz est la culture vivrière principale et constitue l’alimentation de base de la population malgache. La
culture de ce céréale traverse des nombreuses contraintes abiotiques et biotiques.
Une des maladies la plus dévastatrice du riz dans le monde est le flétrissement bactérien ou
« Bactérial Leaf Blight (BLB) » causé par Xanthomonas oryzae pv. oryzae (Xoo) qui peut entrainer une
perte de récolte allant jusqu’à plus de 70%. A Madagascar, le BLB n’a pas été recensé auparavant d’après la
prospection des maladies du riz effectuée par différentes équipes de phytopathologiste en 1985 et 2013.
Pourtant, la présence d’attaque de Xoo a été observée sur des tanety et bas fonds à Ivory (Moyen Ouest
de Vakinankaratra) par l’observation des symptômes sur les feuilles attaquées pendant la campagne
2018-2019. Des analyses moléculaires faites au laboratoire ont permis de confirmer l’apparition de BLB à
Madagascar. Durant la saison culturale 2019-2020, trois sites expérimentaux et des parcelles de producteurs
dont Antsirabe, Ivory, et Morafeno ont été touchés par cette maladie.
L’objectif de la présentation est d’analyser l’effet de la maladie sur des lignées de riz pluvial conduite dans
deux expérimentations avec plusieurs niveaux de fertilité et différentes gestions agro-écologiques. L’une
sur un essai avec 55 lignées du programme SCRiD comprenant deux conditions contrastant de fertilité F0
sans apport et FM avec fertilisation minérale. D’autre sur un essai agronomique du projet EcoAfrica sous
différents lots de traitements (quatre variétés vulgarisées, quatre doses d’inoculation mychorizienne et
quatre niveaux de fertilisation phosphatée).
Les résultats montrent que les réponses des variétés diffèrent significativement entre elles vis-à-vis du
Xoo dans les deux dispositifs expérimentaux à Ivory. L’analyse peut en déduire une perte de récolte à
cause de BLB, mais la perte dépend de la phase d’initiation de BLB. Quand la maladie apparait tôt, plus
la perte est importante. L’analyse d’attaque de BLB montre aussi que la maladie est plus sévère sur des
parcelles à fertilisation élevée par rapport aux parcelles à faible fertilisation. Les résultats avec l’inoculation
mychorizienne ne montrent aucun effet de ce facteur sur la sévérité de BLB.
Un système d’alerte a été mis en place par la formation des techniciens, agents vulgarisateurs et riziculteurs,
groupements paysan ; par la distribution des fiches et des posters et par l’explication du BLB durant la
réunion mensuelle des Maires dans les Districts de la région du Vakinankaratra afin de favoriser des
échanges d’informations permettront de cartographier les zones touchées par cette maladie.
La compréhension approfondie de l’épidémie de BLB sous différent contexte agro-éologique (par
exemple le système de culture sous couverture végétale qui réduit l’attaque de la pyriculariose, par contre
des études devraient être conduites si ce système limite ou favorise l’attaque de BLB), l’identification et
l’utilisation des variétés résistantes et l’analyse des populations du pathogène aideront beaucoup à la
formulation de la gestion de cette maladie bactériènne du riz qui constitue un nouveau danger pour la
rizicutlure à Madagascar
Présentation atelier Interface Recherche et Développement 2020 : Les mélanges variétaux pour améliorer la résilience des productions
agricoles au service de la sécurité alimentaire
A Madagascar, le riz est l’aliment de base de la population, traditionnellement cultivé en irrigué.
Mais vu le contexte de saturation des bas-fonds et d’augmentation de la population, la pratique
des cultures pluviales devient de plus en plus nécessaire. Sur les Hautes Terres du Vakinankaratra, la
culture du riz pluvial a été proposée comme une solution pour accroitre la production de riz des petits
producteurs. Cependant les rendements moyens paysans en riz pluvial restent faibles (aux environs
de 1t/ha) car ils subissent de nombreuses contraintes biotiques et abiotiques, qui souvent agissent
en synergie rendant plus vulnérables les cultures et limitant leurs capacités de tamponner les aléas
climatiques. Dans ce contexte d’écosystèmes paysans variables et soumis à diverses contraintes on
peut considérer que l’uniformité génétique dans les paysages au sein des parcelles est un facteur de
vulnérabilité potentiel des cultures. Pour limiter cette vulnérabilité des solutions « agroécologiques »
inspirées par le fonctionnement des écosystèmes naturels peuvent être proposées. La mise en place
d’une diversité variétale au sein des champs est une piste intéressante s’inscrivant dans l’optique de
l’intensification agro-écologique. L’objectif de la présentation est de donner un aperçu sur l’intérêt
des mélanges variétaux comme option de résilience variétale aux contraintes du milieu et de discuter
des applications possibles dans le cadre de la riziculture pluviale à Madagascar.
Par principe les mélanges variétaux augmentent la diversité variétale au sein des parcelles, et donc
de l’agrosystème, et génèrent des interactions diverses entres plantes. Parmi ces interactions, des
relations positives se font par complémentarité dues aux différences phénotypiques ou génotypiques
entre les plantes en mélange. Elles peuvent faciliter l’acquisition des ressources et leurs utilisations.
Une interaction positive par entraide peut aussi s’effectuer entre deux plantes en cas de pression
biotique par modification de leur immunité et celle de leurs voisins. Par exemple pour faire face aux
pressions biotiques, à l’exemple de la pyriculariose, les mélanges entre variétés sensibles et résistantes
permettent d’atténuer les effets de la maladie. On considère que cinq mécanismes peuvent intervenir
dans ce cas : l’effet de dilution, l’effet de barrière, la résistance induite, la sélection disruptive et
l’effet de compensation. Quant aux aléas climatiques et aux stress dus aux conditions du milieu, des
effets d’échantillonnage ou de sélection de variétés adaptées aux conditions peuvent tamponner
les effets. Par effet de compensation, les rendements des variétés sensibles aux conditions du
milieu peuvent être compensés par ceux des variétés plus résistantes. De ces effets, des retombées
agronomiques telles que les stabilités des productions peuvent être attendues sur les champs. Des
augmentations de la production sont aussi mentionnées par certains auteurs. Elaborer une stratégie
de diversification génétique et aller jusqu’à pouvoir identifier des « idéotypes d’assemblage » à partir
de ces interactions sont des fronts de recherche utiles pour le développement de la riziculture dans la
région. Cette stratégie permet aussi de faire face aux dégâts imprévisibles du changement climatique
tout en assurant une stabilité de production pour les producteurs.