Le constat de malnutrition est alarmant : près de 925 millions de personnes sont considérées comme
sous-alimentées en 2010, c'est-à-dire ayant une consommation d’aliments quotidienne inférieure au
minimum énergétique requis, soit 1850 kcal/personne/jour (FAO, 2008 ; FAO, 2010). La quasi-totalité
des personnes sous-alimentées (98%) se regroupent dans les pays en développement, avec une
prévalence moyenne de la sous-alimentation comprise depuis 1990 entre 15 et 20% de la population
(FAO, 2010). L’Afrique subsaharienne compte à elle seule près de 239 millions de personnes sousalimentées (FAO, 2010), soit une prévalence de la sous-alimentation de 27% (FAO, 2011, Annexe 1).
Par ailleurs, alors que le nombre de personnes sous-alimentées tend à diminuer sur l’ensemble de
l’Asie, il ne cesse d’augmenter en Afrique, avec une progression de 31% des cas de sous-alimentation
entre 1990 et 2008 (FAO, 2011). Le nombre des personnes sous-alimentées pourrait doubler d’ici
2020 en Afrique (Shapouri, 2010). Les facteurs à l’origine de cette augmentation de l’insécurité
alimentaire sont multiples : forte croissance démographique, faibles productions agricoles, crises
politiques, sécheresses et autres catastrophes naturelles (Sanchez, 2002).
La population mondiale devrait augmenter de 6,9 à 7,5 milliards entre 2010 et 2020 (World Bank,
2012 ; Rosegrant et al., 2001) et atteindre 7,9 à 10,4 milliards en 2050 (Nelson et al., 2010). La
croissance démographique est particulièrement forte dans les pays en développement, et en
particulier en Afrique subsaharienne où les taux annuels de croissance démographique sont les plus
forts (entre 2,5 et 3%) depuis la fin des années 80 (Annexe 2). La croissance de la population
mondiale induit une augmentation de la demande alimentaire globale et une aggravation de la
pression sur les ressources alimentaires. En Afrique subsaharienne, une augmentation de 50 à 80%
de la demande globale en nourriture est attendue entre 2010 et 2050 (Keating et Carberry, 2011).
Mais cette augmentation de la demande en nourriture s’accompagne aussi de modifications des
habitudes alimentaires et en particulier à l’augmentation de la consommation de produits animaux
(Herrero et al., 2010, Annexe 3). La demande en céréale, en viande et en lait de l’Afrique
subsaharienne devrait progresser de 97, 104 et 110% respectivement, entre 1997 et 2020
(Rosegrant, 2001).
La croissance démographique induit également une pression accrue sur les ressources foncières
(Annexe 4), qui a pour conséquence une diminution drastique voire la disparition des périodes de
jachère, une surexploitation des parcelles agricoles et une dégradation de la fertilité des sols
(Nandwa et Bekunda, 1998). Cette dégradation de la fertilité des sols se traduit en particulier par un
épuisement des éléments nutritifs du sol, la diminution du taux de matière organique du sol, de la
biomasse vivante du sol et de l’activité biologique du sol (e.g. Fernandes et al., 1997 ; Palm et al.,
1996 ; Pascual et al., 2000 ; Stoovogel et Smaling, 1990 ; Tittonell et al., 2007a). Cette dégradation de
la fertilité du sol est une des causes biophysiques majeures des faibles productions agricoles et donc
de l’insécurité alimentaire en Afrique (Sachez, 2002).
La pression démographique et l’augmentation de la demande pourraient aussi entraîner des
phénomènes d’intensification agricole. Cette intensification serait induite par l’organisation des
marchés, l’amélioration de l’accès aux intrants et l’opportunité de les rentabiliser (Bationo et al.,
1995 ; Rovere et al., 2008 ; Scoones et Toulmin, 1995 ; Valbuena et al., 2012). Mais cette
intensification a classiquement conduit en Afrique à une situation de dégradation de la ressource du
sol (Annexe 5). Ainsi, la faible amélioration des rendements des céréales, et du riz en particulier
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(Annexe 6), n’ont pas suffi pas à compenser la forte croissance démographique, entraînant alors une
diminution globale de quantité de céréales produite par habitants (Annexe 7).
Pour répondre à cette demande accrue en nourriture dans les pays en développement, et en
particulier en produits d'origine animale, intensifier durablement la production semble indispensable
(Herrero et al., 2009). Une intensification durable implique une croissance de la productivité des
systèmes agricoles accompagnée d’une augmentation des services écosystémiques rendus, de
l’amélioration de l’efficacité d’utilisation des intrants, et la protection du sol et de la biodiversité
(Dugué et al., 2011 ; Kassam et al., 2011). L’intensification durable mobilise des processus
écologiques, et en particulier le recyclage de la biomasse et des éléments nutritifs, présents dans les
systèmes d’intégration agriculture-élevage.
Ces systèmes mixtes d’agriculture-élevage sont à la base de l'agriculture dans de nombreux pays en
développement. Les exploitations familiales d’agriculture-élevage représentent près de 20% de la
population mondiale (McDermott et al., 2010) et produisent près de 50% de la production mondiale
de céréales (dont 86% du riz) et, 60% de la viande et 75% du lait dans les pays en développement
(Herrero et al., 2010). Ainsi ces exploitations pourraient être la clé de la sécurité alimentaire future
via une intensification durable (Herrero et al., 2010).
La première partie de cette introduction est destinée à présenter le concept de fertilité du sol et
l’état de dégradation de la fertilité constatée dans les pays africains. Cette introduction fait
également le point sur les exploitations familiales d’agriculture-élevage et les pratiques de gestion de
la biomasse rencontrées. Nous détaillons ensuite, le concept de durabilité et les indicateurs de
durabilité des exploitations. Enfin, le contexte de l’étude et l’objectif de la thèse sont présentés.