Moyens d’existence, diffusion des innovations, approche genre et
adaptation au changement climatique dans les exploitations
agricoles familiales des Hautes Terres du Vakinankaratra
Ce document a été réalisé dans le cadre du projet de recherche EcoAfrica « ECOlogical
intensification pathways for the future of crop-livestock integration in AFRICAn agriculture ».
Il a pour objet l’optimisation de la gestion des ressources (sol, eau, fourrages / résidus de récolte,
matière organique) pour améliorer les processus écologiques. La première composante (WP1)
est consacrée à la production de connaissances sur les contraintes et les opportunités des
exploitations agricoles (EA) dans la gestion de ces ressources et à l’identification des pratiques
et stratégies mises en œuvre. La sous-composante WP1-T2 prévoyait la réalisation d’une
enquête auprès d’un large échantillon d’exploitations agricoles des Hautes Terres de la région
Vakinankaratra. Ce rapport rend présente les résultats obtenus dans le cadre de cette enquête.
Les travaux ont débuté en mi 2018 par l’élaboration de la méthodologie avec, en particulier, la
conception du questionnaire d’enquête (avec une large collaboration des chercheurs et
partenaires impliqués au sein du dP SPAD et du projet) pour les parties concernant la diffusion
des innovations techniques les aspects genre et la perception du changement climatique. Le
questionnaire comprenait également une partie pour caractériser le système d’exploitation
agricole.
L’enquête a été menée sur le terrain d’octobre à décembre 2018 auprès d’un échantillon
représentatif d’EA de cinq communes des Hautes Terres de Vakinankaratra, et 3 fokontany par
commune (soit 405 EA au total). Les questions permettent de détailler : (i) les ressources
productives des exploitations ; ii) l'allocation de ces ressources et la stratégie de gestion ; (iii)
les performances obtenues ; et (iv) la connaissance et l’adoption des innovations techniques, le
rôle des femmes dans les prises de décisions technico-économiques et la perception des chefs
d’exploitation sur le changement climatique.
Ce document présente les résultats du traitement des données d’enquête sur les thématiques
mentionnées précédemment. Ces résultats sont divisés en deux parties, la première partie traite
de la diffusion des innovations techniques, la perception du changement climatique et
l’approche genre ; la deuxième partie développe les pratiques agricoles, les moyens d’existence
et la performance des exploitations agricoles dans la zone.
Les résultats et analyses ont été partagés et discutés avec l’équipe impliquée dans EcoAfrica
dans les différents ateliers tenus.
L’équipe en charge de cette sous composante tient à remercier l’ensemble des personnes qui
ont œuvré pour l’obtention des résultats et en particulier les responsables des institutions
régionales, les responsables des collectivités territoriales décentralisées, les responsables des
fokontany, les enquêteurs et superviseurs d’enquêtes et bien sûr les paysans et paysannes qui
ont accepté de donner de leur temps pour répondre aux nombreuses questions
IMPACTS DU CHANGEMENT
CLIMATIQUE SUR
CERTAINES CHAÎNES
DE VALEUR DES
HAUTES TERRES ET
PROPOSITIONS DE
MESURES D’ADAPTATION :
CE QUE LA SCIENCE ET LES
EXPÉRIENCES PRÉCÉDENTES
NOUS ENSEIGNENT
Cette étude avait comme objectifs de faire le point sur les évolutions climatiques des Hautes Terres de Madagascar et leurs impacts sur les systèmes de production, et de déterminer quelles sont les pratiques de l’agriculture climatointelligente (ACI) les plus intéressantes et facile à vulgariser. Le travail confronte les perceptions des évolutions climatiques de différents acteurs du développement et du monde paysan, et de leurs
impacts, à une analyse des données climatiques du Vakinankaratra sur la période 1960-2019. Il se poursuit par l’analyse des commentaires de ces acteurs, et de documents, concernant de nombreuses pratiques.On constate une hausse importante des températures (+2,4°C depuis 1960), avec une diminution des nuits froides, une quasi-disparition du gel, et une augmentation des journées chaudes, sans températures vraiment élevées (> 35°C). Cela confirme les dires des acteurs et
explique les mauvaises floraisons des pommiers.
La pluviométrie montre une diminution de 30% (-450 mm) depuis 1960, plus forte qu’ailleurs à Madagascar, mais reste élevée (1100-1300 mm).
Cela explique la baisse des ressources hydriques hivernales qui affecte les irrigations de contresaison (pommes de terre, maraichage) et retarde la préparation des rizières. Les analyses indiquent une dégradation des conditions hydriques au
début de la saison des pluies, en accord avec les difficultés rapportées d’installation des cultures pluviales (maïs, pomme de terre, riz,
etc.). Contrairement aux ressentis il n’y a pas de modification concernant les grosses pluies ou les pauses.Les acteurs se plaignent d’une augmentation des problèmes phytosanitaires, dont la chenille légionnaire (Spodoptera frugiperda) sur maïs, le
flétrissement bactérien (Ralstonia solanearum) et le mildiou (Phytophtora infestans) sur la pomme de terre, et les « fangalabola » (Deborea malagassa) sur les pommiers, problèmes qui ne pourront qu’être accentués par l’intensification et les évolutions climatiques. Ils rapportent aussi une baisse de la fertilité des sols, en lien avec
l’exploitation de plus en plus intensive et continue (monoculture de maïs) et les faibles apports de matière organique. L’utilisation de variétés adaptées devraient permettre de répondre à de nombreux problèmes (augmentation des températures, petits aléas
hydriques, certaines maladies), et des efforts de reboisement et d’aménagement des bassins versants (haies vives, embocagements, canaux
d’infiltration) atténueront la diminution des ressources hivernales.
La baisse de la fertilité des sols impose de se tourner vers des pratiques agroécologiques avec apport dans les sols de plus de matière organique, qui seules permettront des productions durables et une meilleure résistance aux aléas hydriques et aux bioagresseurs. Parmi les pratiques à recommander on peut citer les rotations et
associations céréales-légumineuse, déjà connues mais que l’on peut améliorer, l’intégration agriculture-élevage (production fourragère par Pennisetum purpureum et Brachiaria, fumier amélioré), les composts, les plantes répulsives
(desmodium, mucuna, crotalaire), systèmes pushpull (desmodium-pennisetum) et biopesticides naturels (« adigasy ») à base de nombreuses plantes, les haies vives et embocagements multi-spécifiques, les canaux d’infiltration et les reboisements.