L’histoire mouvementée de l’évolution de l’agriculture au Lac Alaotra, principal grenier à riz de Madagascar, région à forte immigration et zone de prédilection de l’aide publique au développement, est révélatrice d’un conflit entre plusieurs types de
«temps»: le temps long de l’adoption de l’innovation, qu’elle soit technique ou institutionnelle, et de l’évolution des mentalités rurales ; et le temps finalement court des projets et des politiques de développement. Ce conflit de temporalités
a façonné une histoire agricole qui s’est construite bon an mal an entre
rive Est et rive Ouest; rizière, marais et colline; maîtrise de l’eau et gestion des espaces;agropastoralisme et agriculture-élevage; polyvalence, spécialisation et
diversification des productions rurales ;enfin enclavement et intégration aux marchés.
Madagascar est une île située dans l’Océan Indien, entre les latitudes 12° S et
25°S. Elle est séparée du contient Africain par le Canal de Mozambique.
Madagascar s’étend sur une superficie de 597.000km², avec une population de
11.500.000 habitants (les malgaches). La population active (55%) se répartit comme suit :
- 87 % dans le secteur primaire (surtout agricole)
- 4% dans le secondaire
- 9% dans le secteur tertiaire
Avec un Produit National Brut moyen par habitant de 203 $US, Madagascar est classée parmi les pays le plus pauvre du monde (estimation de la Banque Mondial,
1988). Le taux d’accroissement moyen de la population est situé entre 2,8 et 3%.
Le riz constitue la céréale de base d’alimentation à Madagascar. Un malgache consomme 400 grammes de riz par jour, soit 140kgs de riz par an et par habitant (il détient la seconde place des grands consommateurs, après les birmans). Sur base de ces données, il faut 1.610.000 tonnes de riz par an, soit 2.402.985 tonnes de paddy1qu’il faut produire pour assurer une autosuffisance alimentaire au point de vue riz. La production nationale, estimée en 1988, n’était que de 2.378.000 tonnes2. D’ou, rien que pour l’année 1988, une nécessité d’importer 16.740 tonnes de riz pour pallier le déficit de production. Ce qui veut dire aussi une sortie de devises pour le gouvernement local. Or Madagascar a déjà une balance commerciale du commerce extérieur en déficit (- 88.5milliards $US en 1987, selon l’estimation de la Banque
Mondiale, 1988). La région du Lac Alaotra constitue, avec les régions de Marovoay (au Nord –Ouest de l’Ile), d’Andapa (Nord Est de l’Ile), et du Betsileo (Sud des Hautes –Terres Centrales), ce qu’on appelle « le grenier à riz de
Madagascar». Les paysans du Lac Alaotra n’ont pas encore atteint un niveau de rendement en paddy assez élevé pour pallier le déficit susmentionné. Le rendement moyen en paddy atteint dans la région est compris entre 2 et 3 tonnes par hectare. Or, avec la riziculture améliorée, on peut atteindre un rendement moyen de 4,5 tonnes par hectare. Un proverbe malgache dit : « hitsikitsika tsy mandihy foana fa ao raha », qui correspond à peu près au dicton : « il n’y a pas defumée sans feu ». En fait, si ces paysans ne peuvent pas produire plus de paddy, des facteurs les en empêchent.
Ainsi avons-nous décidé d’entamer une étude pour essayer de déterminer ces facteurs de blocage