L’agriculture contractuelle
dans les pays en développement
Une revue de littérature
Mis en ligne : 11/05/2017 |
Publié : 2013 | 3.21 Mo |
ID 2298
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L’agriculture contractuelle peut être envisagée comme un prêt d’« intrants » – semences,
engrais, crédit ou services de vulgarisation – consenti par une entreprise à un agriculteur
en contrepartie de droits d’achat exclusifs sur la récolte. C’est une forme d’intégration
verticale des filières agricoles qui donne à l’entreprise un contrôle plus étroit sur le
processus de production et sur le produit final. L’agriculture contractuelle suscite une
considérable attention des chercheurs et des pouvoirs publics. Mais alors que les constats
des travaux de recherche menés dans les années 1980 et 1990 étaient contrastés quant à
la capacité de participation des petits exploitants agricoles à ces dispositifs et aux
bénéfices qu’ils pouvaient en tirer, la littérature récente est nettement plus positive sur
ce point. D’autre part, de récents rapports de haut niveau évaluent positivement cette
forme d’innovation institutionnelle ; citons, par exemple, le Rapport sur le développement
dans le monde 2008, L’Agriculture au service du développement, publié par la Banque
mondiale et le Rapport sur l’investissement dans le monde 2009, Sociétés
transnationales, production agricole et développement, de la Conférence des Nations
unies sur le commerce et le développement (CNUCED).
Aux fins de cette revue de la littérature, l’auteur a examiné la base de données en ligne sur
l’agriculture contractuelle de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et
l’agriculture (FAO) et effectué des recherches bibliographiques sur Agricola, Econlit,
JSTOR, le Web of Science et Eldis afin de réunir 100 articles sur l’agriculture contractuelle,
dont la majorité ont été publiés depuis 2007 (voir annexes 3 - 5) ; à cela s’ajoute 12 autres
études sélectionnées par l’auteur et le commanditaire de l’étude (AFD).
Partant de ces travaux, cette revue examine les tendances mondiales et régionales de
l’agriculture contractuelle dans les pays en développement et présente les points de vue
conceptuels et théoriques au niveau méso- et micro-économique – des approches par les
coûts de transaction à la gouvernance des chaînes de valeur – qui contribuent à expliquer
l’intérêt croissant pour l’agriculture contractuelle par rapport à d’autres formes d’échange.
La littérature générale consacrée à l’agriculture contractuelle formule cinq hypothèses à
partir desquelles cette revue évalue les études empiriques les plus récentes – celles-ci
relatant 35 « réussites » et neuf « échecs ». Cet exercice conduit aux constats suivants :
(1) Les données récentes confortent la première hypothèse selon laquelle les petits
exploitants agricoles tendent à être exclus dans les économies caractérisées par le
[ ] ©AFD / L’agriculture contractuelle dans les pays en développement - une revue de littérature 6 /Avril 2013
Synthèse
dualisme agraire, mais qu’ils le sont moins lorsque la répartition des terres présente de
faibles inégalités.
(2) Les constats présentés ici – tirés de 35 « réussites » et de neuf « échecs » – sembleraient
conforter l’idée que les agriculteurs contractualisés ont des revenus sensiblement plus
élevés que les autres (car c’était un critère de « réussite » essentiel). Une certaine
prudence s’impose néanmoins car si de récents travaux économétriques ont traité le
biais de sélection au niveau des ménages (et neutralisé ainsi l’effet des caractéristiques
observées des participants et des non-participants), la littérature n’a aucunement
abordé la neutralisation du biais de sélection des initiatives à évaluer. En d’autres
termes, il n’est guère surprenant que de nombreux dispositifs d’agriculture
contractuelle offrent aux producteurs des revenus supérieurs aux autres (toutes choses
égales par ailleurs), car s’ils n’avaient pas augmenté les revenus, ils auraient sans doute
disparu.
(3) Les denrées dont la qualité peut fortement varier, qui sont hautement périssables,
difficiles à cultiver ou dont le prix au kg est plus élevé, sont plus susceptibles d’être
cultivées dans le cadre de contrats ; cependant, des données montrent également que
la contractualisation de la culture de produits de base standard peut aussi donner de
bons résultats.
(4) Cette revue conforte dans une certaine mesure la quatrième hypothèse, à savoir que
ce sont généralement de grandes entreprises qui concluent des contrats agricoles.
(5) Elle trouve également des éléments étayant la cinquième hypothèse : les dispositifs
d’agriculture contractuelle approvisionnent plus volontiers les marchés des pays
développés et les supermarchés des centres urbains des économies émergentes et en
développement.
Il faut remarquer que la comparaison des « réussites » et des « échecs » indique que
l’agriculture contractuelle peut être fructueuse dans des conditions socioéconomiques
extrêmement diverses, y compris dans les pays en proie à des conflits, dans des États
fragiles et dans les pays les moins avancés (car elle permet de surmonter les coûts de
transaction élevés sur les marchés peu actifs et imparfaits qui caractérisent fréquemment
ces contextes).
À partir de 24 des expériences « réussies », nous nous proposons ensuite de compléter la
typologie des modèles d’agriculture contractuelle ressortant de la littérature. Les
conclusions provisoires sont les suivantes :
Avril 2013 / L’agriculture contractuelle dans les pays en développement - une revue de littérature /©AFD [ 7 ]
• Le modèle centralisé est utilisé pour les cultures de base traditionnelles, mais aussi
pour les denrées de qualité très variable, qui sont hautement périssables, dont la
production est techniquement difficile et dont le prix au kg est élevé. Ces dispositifs
tendent à fournir l’ensemble des intrants et à desservir à la fois les marchés urbains
nationaux (surtout en bétail et en volaille) et les marchés d’exportation. Ce modèle
peut être appliqué de manière satisfaisante dans des contextes nationaux très
divers, y compris dans les pays en proie à des conflits et dans les États fragiles. Il ne
requiert pas de cadres d’exécution, réglementaires et juridiques particulièrement
performants pour produire de bons résultats.
• Le modèle de la plantation industrielle tend à privilégier les cultures dont la qualité
peut fortement varier, hautement périssables, dont la production est
techniquement difficile et dont le prix au kg est élevé. Souvent privilégié pour les
programmes de réimplantation de populations ou de migrations internes, il ne
semble pas adapté à la certification « commerce équitable » ou « agriculture
biologique ». Il peut s’avérer intéressant dans des contextes nationaux très divers,
y compris dans les pays en proie à des conflits et dans les États fragiles.
• Le modèle tripartite est un partenariat public-privé qui tend à se concentrer sur
les cultures d’importance nationale. Tous les dispositifs de ce type semblent porter
sur des produits de qualité moins variable, moins périssables et moins chers que
les deux précédents modèles. Il n’est pas certain que ce modèle soit adapté aux
pays en proie à des conflits ou aux États fragiles.
• Le modèle informel semble davantage se prêter à la culture de fruits et légumes qui
requièrent une transformation minimale ou qui sont transformés sur l’exploitation,
sont de qualité assez homogène et font appel à des techniques de production
standard. Ces contrats semblent fournir une gamme d’intrants assez réduite ; la
taille de l’exploitation étant généralement plus modeste que dans les modèles
précédents. Ce modèle compte en partie sur d’autres intervenants (comme l’État
ou les organisations non gouvernementales (ONG)) pour la fourniture d’appuis
comme la vulgarisation et le crédit. Il n’est pas certain qu’il soit adapté aux pays en
conflit et aux États fragiles.
• Le modèle intermédiaire semble particulièrement convenir à la culture de produits
de base et peut fonctionner dans des contextes nationaux très divers, y compris les
pays en conflit et les États fragiles. Il est particulièrement adapté aux contextes où
il est difficile de faire respecter les contrats. Les petites entreprises peuvent y
recourir en externalisant les échanges avec les agriculteurs. Une faible quantité
Synthèse
[ ] ©AFD / L’agriculture contractuelle dans les pays en développement - une revue de littérature 8 /Avril
Mots-clés : Agriculture , Développement , Durable , Commercialisation , Marché