L’élevage de bovins tient une place importante dans le secteur Agriculture, qui occupe
80% de la population malagasy. Cela est dû à ses multiples fonctionnalités combinées de sa
vertu culturelle et surtout à sa viande. Cependant, les données zootechniques et sanitaires sur
cet animal s’avèrent insuffisantes et n'ont pas été mises à jour depuis plusieurs années. Pour y
faire face, le FOFIFA en partenariat avec le CIRAD a effectué depuis 2017 un suivi des
performances zootechniques de ces bovins. Ce suivi entre dans le cadre du projet ECLIPSE
(Emerging Crop-Livestock Production Systems adapted to a changing Environment), financé
par l’Union Européenne au travers du réseau ARChE_Net. Pour cela, la Station Régionale de
Recherches de Kianjasoa et ses alentours ont été choisis comme sites expérimentaux de l'étude.
Le but de ce suivi est de mieux décrire les caractéristiques des troupeaux et leur potentiel
d’adaptation à un environnement d’élevage mouvant. Par ailleurs, tous les paramètres
influençant la productivité des différentes races bovines existantes sont mesurés
mensuellement, notamment les infestations parasitaires internes. Ce suivi est effectué à l’aide
du logiciel L.A.S.E.R (Logiciel d’Aide aux Suivis d’Elevage des Ruminants) qui permet la
gestion informatisée de données pour le suivi de troupeaux. Dans ce genre d’étude, il s’avère
indispensable d’identifier individuellement les animaux. Ainsi, un système d'identification
électronique, constitué d’un bolus ruminal est d'une boucle auriculaire, a été utilisé.
Dans les pays en développement, l’accroissement de la consommation en protéines animales
est estimé à 5% par année. Madagascar n’échappe pas à cette tendance par sa consommation de
viande bovine qui s’élève aujourd’hui à 1500 têtes de bovin par jour. Ces chiffres sont liés
principalement à la croissance démographique (3,5%), à l’urbanisation, et à l’élévation du
revenu par individu. Par conséquent, cette situation engendre des changements déterminants
pour l’élevage de bovins du fait de la forte demande en viande alors que la disponibilité en
ressources fourragères ainsi que leur accessibilité deviennent de plus en plus difficiles. Les
surfaces pâturables deviennent plus rares et la production par unité de surface diminue du fait
de certaines facteurs comme la mauvaise gestion des charges animales. Face à cette situation,
l’élaboration d’une méthode de suivi et de gestion des ressources fourragères par une approche
combinée de modélisation et de télédétection s’avère être une méthode adéquate pour une
optimisation de la production. Pour ce faire, des modèles prédictifs du rendement fourrager ont
été élaborés à partir de corrélations/régressions entre les valeurs des indices de végétation
« NDVI » obtenue à partir d’imagerie satellitaire et la quantité de biomasses mesurée sur le
terrain. Ces modèles ont été développés sur les dix espèces de fourrages les plus utilisés à
Madagascar. Les coefficients de régression R2 de ces modèles sont compris entre 0,59 pour le
pâturage naturel d’Hyparrhenia rufa et d’Heteropogon contortus et 0,89 pour l’Eleusine indica.
Des corrélations/régressions entre les valeurs de « NDVI » et le rendement en matière sèche de
ces espèces fourragères ont également été effectuées. Pour ces derniers, les coefficients de
détermination sont moins performants allant de 0,43 pour le Stylosanthes guianensis à 0,79 pour
l’Eleusine indica. Cette prédiction du rendement en matière sèche a permis de calculer la
capacité de charge au niveau des parcelles. Elle permet également de calculer la capacité de
charge animale à plus grande échelle comme celle qui a été effectuée au niveau de la station de Kianjasoa (FOFIFA) qui est estimée à 4,52 UBT/ha. Les modèles prédictifs de rendement sont
ensuite appliqués sur des images satellites archives pour reproduire le profil de biodisponibilité
temporelle moyenne de ces différentes espèces fourragères. L’analyse de ce profil a permis de
définir des seuils sur l’état d’exploitation des différentes parcelles de pâturage. Ces modèles
sont ensuite implémentés à l’aide d’un langage de programmation informatique pour
développer un outil de prédiction de la quantité de biomasses disponible et de la capacité de
charge animale des parcelles. Une interface cartographique et de pilotage du modèle à partir
d’une page Web a également été réalisée. Il est désormais possible de dessiner une parcelle sur fond d’image satellite, puis de faire calculer les différents indicateurs de productivité pour cette
parcelle. Une classification des espèces fourragères par l’utilisation de l’algorithme « Radom
Forest » a donné une précision globale de 77,6%. Cette pratique a permis d’élaborer une
cartographie de la biodisponibilité spatiale des différentes espèces fourragères sur une surface
totale d’environ 600 km² dans la région de Tsiroanomandidy. Une application de l’outil
cartographique et de pilotage des modèles sur les résultats du « Radom Forest » va permettre
une gestion efficiente de l’utilisation des ressources. Les modèles peuvent aussi être utilisés
comme outil prospectif permettant d'estimer la production fourragère sur plusieurs semaines
après la date d'acquisition de l'image satellite. Par conséquent, cela permet le contrôle des
déplacements des animaux en relation avec la disponibilité des ressources fourragères. Cela
permet également la gestion de la charge animale sur les différentes parcelles de pâturage. Ces
informations obtenues seront utiles pour une prise de décision optimale des agents du
développement rural. Cette étude aura ainsi un impact positif sur productivité de l’élevage en
vue d’une meilleure sécurité alimentaire de la population.