À Madagascar, le Tsiperifery, une espèce de poivrier sauvage endémique de l’île, est
actuellement soumis à une surexploitation. Un programme participatif de domestication de cette plante a été
lancé pour assurer la durabilité de son exploitation. Des techniques de culture sont co-construites par des
chercheurs et des paysans sur trois sites pilotes. Cette étude s’intéresse aux facteurs influençant la
propension des paysans à co-construire et expérimenter ces techniques. Les données collectées via
90 entretiens semi-dirigés ont été traitées en suivant les principes de l’approche « grounded theory ». Les
principaux déterminants influençant le comportement des paysans sont (i) la logique économique, (ii) le
contexte informationnel, (iii) l’accès au marché, (iv) les capacités productives de l’exploitation et (v) l’esprit
de conservation de la nature. À partir de ces déterminants, nous avons pu définir cinq types de stratégies
paysannes : les « homo-economicus » ; les « conservationnistes » ; les « opportunistes », les « exclus » et les
« suiveurs ». Cette meilleure compréhension des stratégies paysannes permet d’améliorer la conception et la conduite des programmes de recherche participative.
Les enjeux localisés du développement d’un produit forestier non ligneux, analyse du système d’innovation du tsiperifery, un poivre sauvage de Madagascar.
Depuis quelques décennies, de nombreux projets de recherche et de développement promeuvent
la valorisation des produits forestiers non ligneux (PNFL), comme un levier d’amélioration des
moyens de subsistance de la population sans compromettre la conservation des ressources
naturelles. Leur postulat repose sur le fait que l’augmentation de la valeur des PFNL constitue une
incitation pour conserver la forêt (Kusters et al., 2006). Or, l’exploitation non contrôlée des PFNL
en accès libre a engendré leur surexploitation et a fortement dégradé l’espace forestier (Arnold et
al., 2001). La mise en culture des PFNL est alors une solution technique récemment mise à
l’épreuve, compte tenu du compromis qu’elle présente entre le développement économique et la
conservation des ressources naturelles (Tynsong et al., en 2013). Nous considérons cette dernière
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comme étant une innovation de rupture (Faure et al., 2018) pour les paysans qui avait pour habitude
la cueillette en forêt. En effet, il s’agit de passer de la cueillette sauvage à l’insertion d’un nouveau
système de culture dans les systèmes de production agricoles.
Cette communication propose d’étudier le cas de la culture des lianes d’un poivre sauvage de
Madagascar, le tsiperifery. Les méthodes de cueillette en forêt de cette espèce ont engendré la
coupe de nombreux tuteurs de lianes de tsiperifery, dégradant ainsi la reproduction de l’espèce et
la forêt ainsi que d’autres espèces endémiques qui s'y trouvent (Razafimandimby et al., 2017).
Dans l’objectif d’assurer durablement l’exploitation de ce PFNL, un collectif de chercheurs initient
en 2016 un programme d’innovation inclusive (Heeks et al., 2014) visant à aboutir à la
domestication de cette espèce. La domestication de cette espèce consiste à la reconstitution d’une
population de lianes de tsiperifery dans la forêt et à leur plantation en terrains agricoles. Le
programme est mis en œuvre par l’intermédiaire de deux projets de recherche et développement
similaires : CAPETsip et Dometsip. Les chercheurs ont adopté une démarche participative
associant chercheurs et parties prenantes à la co-construction des techniques de culture de la liane,
en s’appuyant sur le concept « follow the technology » proposé par Douthwaithe et al. (2003).
Une première analyse a démontré que les déterminants de l’adoption de la culture du tsiperifery
par les paysans combinent des déterminants à l’échelle individuelle (comme la recherche
d’amélioration des revenus par les ménages, les capacités productives de l’exploitation ou l’accès
à des informations, intrants et équipements fournis par des projets de développement), mais aussi
des déterminants à l’échelle collective (le réseau de communication, l’accès au marché, l’état de
dégradation des ressources forestières) (Rasambo et al., 2021). Or, bien que la méthode de coconstruction ainsi que les techniques de culture promues soient similaires, les dynamiques
d’adoption observées sont sensiblement différentes d’un cas d’étude à l’autre, et donc d’un
territoire à l’autre, du fait des modes d’intervention des projets, mais aussi des caractéristiques des
territoires concernés.
Dans cette communication nous posons donc la question suivante : quels sont les facteurs de
synergie ou de blocage en jeu dans un processus d’innovation de rupture telle que celui de la mise en culture d’un PFNL ? Il s’agit plus spécifiquement d’identifier dans quelle mesure la structure
et le fonctionnement du système d’innovation agricole (SIA) du tsiperifery et les caractéristiques
des territoires vont être des facteurs de blocage ou de synergie dans la dynamique de domestication du tsiperifery.
Cette étude se réfère uniquement à l’analyse du SIA de la culture du tsiperifery. La vérification de l’hypothèse selon laquelle la culture de ce PFNL apporterait un meilleur compromis entre le
développement socio-économique des populations rurales et la conservation de la forêt sera traitée
dans une communication ultérieure.