Ce rapport propose un état des lieux sur les inégalités entre hommes et femmes pour l’accès aux terres agricoles à Madagascar. Deux principaux axes de recherche sont abordés : l’accès à la propriété des terres pour les femmes et la sécurisation de leurs droits fonciers. Il s’appuie sur des données quantitatives, qualitatives et une revue de littérature. Les données quantitatives ont été collectées en 2015 dans quatre régions du pays par l’Observatoire foncier de Madagascar (N = 1 834 ménages). Les données qualitatives sont issues d’entretiens (N = 200) réalisés entre 2016 et 2017 dans le cadre de ma thèse (Di Roberto 2020). Le rapport montre que les ménages dirigés par des femmes (généralement célibataires, divorcées ou veuves) possèdent autant de terres que ceux dirigés par des hommes. Cependant, à l’échelle individuelle et si l’on ouvre la « boîte noire » du ménage, nous constatons que les femmes possèdent moins de terres agricoles que les hommes, avec en moyenne 0,2 hectare (contre 1,3 hectare pour les hommes). Les femmes possèdent des terres personnelles dans seulement 13 % des ménages en couple. Cette différence est en partie liée aux règles d’héritage inégalitaire en faveur des hommes. En moyenne, les femmes héritent cinq fois moins que les hommes. Toutefois, en cas de divorce ou de veuvage, les femmes peuvent réactiver leurs droits fonciers et obtenir des terres auprès des parents ou des frères. Si la qualité des droits fonciers ainsi obtenue est variable (allant de la simple mise à disposition temporaire à l’héritage ou donation définitive), les superficies obtenues en gestion permettent de compenser les inégalités. En effet, les ménages dirigés par des femmes (généralement veuves ou divorcées) disposent d’autant de terres héritées que ceux dirigés par des hommes. Sur les marchés d'achat-vente et de faire-valoir indirect (location ou métayage), les femmes sont moins actives que les hommes. Parmi les ménages en couple, seul 1 % des épouses possède une parcelle achetée à titre individuel (contre 20 % des hommes). Le plus souvent, les achats sont réalisés par le couple et déclarés en leurs deux noms. Le rapport montre aussi que près d’un tiers des ménages a déclaré que l’intégralité du patrimoine appartient « au couple ». Ces discours sur la communauté des biens fonciers entre les époux peuvent masquer des différences de droits et de pouvoir entre les époux et invitent à des études plus approfondies pour ouvrir la « boîte noire » des parcelles « en commun » au sein des couples et analyser finement les droits fonciers des hommes et des femmes sur chacune d’elle. Le devenir des terres achetées durant l’union en cas de divorce est une piste de recherche importante pour appréhender l’équité du marché. Le sentiment de sécurité foncière semble identique, quel que soit le sexe du propriétaire. De même, les modes de sécurisation foncière varient assez peu selon le sexe du propriétaire. On notera la participation des femmes à la certification foncière avec 26 % des parcelles certifiées possédées par une femme (contre 20 % des parcelles pour les hommes) ce qui est cohérent avec d’autres travaux sur le sujet. Cependant, les parcelles qui sont certifiées et déclarées appartenir « au couple » sont généralement inscrites au nom de l’homme. L’enregistrement des biens communs au nom des deux conjoints semble encore (en 2015) une pratique exceptionnelle.