En Afrique, la forte croissance démographique représente un défi pour les territoires ruraux qui continuent d’accueillir la majorité des jeunes (Losch 2016 ; Gastineau et Golaz 2016 ; IFAD 2016). À Madagascar, 70 % de la population réside en milieu rural. Dans les campagnes, la population a été multipliée par 3,5 depuis 1960 et la pression déjà évidente sur les terres agricoles interroge les perspectives futures des jeunes ruraux (Sourisseau et al. 2016 ; Burnod et al. 2016). Les premières parcelles cédées par les parents aux jeunes générations impliquent le plus souvent leur départ du domicile parental ainsi que leur constitution en nouvelle unité de production autonome et indépendante pour la consommation. Pourtant, ces superficies transmises en usage ou héritées se réduisent au fil des générations et ne semblent plus suffire à assurer des revenus décents (Ibid.). Dans ce contexte, quelles sont les conditions d’accès à la terre des jeunes ruraux ? Quelles sont leurs stratégies pour démarrer une exploitation agricole ? Cette étude propose d’étudier les trajectoires d’autonomisation de jeunes ruraux dans une région rurale des Hautes Terres soumise à une forte pression foncière. De manière schématique, plusieurs stratégies sont envisageables : i) la diversification des activités extra-agricoles au niveau local ; ii) l’achat de terres pour constituer ou compléter son patrimoine ; iii) la migration vers les villes ou vers des fronts pionniers où des terres vastes sont encore accessibles par la défriche ou la mise en valeur. Cette contribution suggère que ces trajectoires ne s’excluent pas, mais sont combinées (simultanément ou de manière diachronique). Malgré le manque d’opportunités économiques dans les campagnes, beaucoup de jeunes ruraux ne se désinvestissent pas du secteur agricole. Ainsi, nous illustrerons les différentes stratégies visant à adapter le démarrage d’une activité agricole au contexte de forte pression foncière dans les Hautes Terres. La diversification des activités, la migration et le recours au marché foncier sont apparus des éléments centraux dans le démarrage des activités des jeunes (Burnod et al. 2016) mais leur articulation peut s’avérer complexe. Accéder à la terre semble pris dans une tension entre la nécessité d’un ancrage local et celle d’une mobilité essentielle à la constitution une épargne préalable (via les activités extraagricoles). Nous verrons comment, bien que les transferts intergénérationnels de droits fonciers (héritage, dons) s’essoufflent, la famille continue de jouer un rôle clef dans l’accès à la terre pour les jeunes. Après avoir présenté les données mobilisées et les caractéristiques de la zone d’étude, nous développerons notre analyse en trois parties. La première reviendra sur les conditions de l’autonomisation des jeunes et ses enjeux. Nous verrons qu’à Madagascar l’organisation de la production agricole et de la consommation autour des ménages nucléaires (parents et enfants) fait de l’autonomisation des jeunes une étape difficile. La seconde partie analysera les stratégies des jeunes en lien avec les options de diversification des revenus, la place des migrations et le rôle du marché foncier. La troisième partie développera les relations entre ces trajectoires marquées par la migration, les rapports fonciers et l’organisation des familles. Ce travail se base sur près de 200 entretiens semi-directifs et des observations directes réalisées durant six mois, entre avril 2016 et août 2017. Les entretiens qualitatifs ont été réalisés auprès de 80 ménages dont 33 jeunes (entre 18 et 36 ans) et deux entretiens avec des instituteurs à propos des activités de leurs élèves. Ces informations ont été enrichies de nombreuses discussions informelles avec des enfants (6 à 17 ans) sur leurs petites activités économiques. De plus, nous mobilisons des données quantitatives issues de l’enquête GloFood-SALIMA menée par le Cirad auprès de 300 ménages représentatifs à l’échelle de cette même zone (deux communes à l’est de la région Vakinankaratra).