Depuis quelques décennies, de nombreux projets de recherche et de développement promeuvent la valorisation des produits forestiers non ligneux (PNFL), comme un levier d’amélioration des moyens de subsistance de la population sans compromettre la conservation des ressources naturelles. Leur postulat repose sur le fait que l’augmentation de la valeur des PFNL constitue une incitation pour conserver la forêt (Kusters et al., 2006). Or, l’exploitation non contrôlée des PFNL en accès libre a engendré leur surexploitation et a fortement dégradé l’espace forestier (Arnold et al., 2001). La mise en culture des PFNL est alors une solution technique récemment mise à l’épreuve, compte tenu du compromis qu’elle présente entre le développement économique et la conservation des ressources naturelles (Tynsong et al., en 2013). Nous considérons cette dernière 2 comme étant une innovation de rupture (Faure et al., 2018) pour les paysans qui avait pour habitude la cueillette en forêt. En effet, il s’agit de passer de la cueillette sauvage à l’insertion d’un nouveau système de culture dans les systèmes de production agricoles. Cette communication propose d’étudier le cas de la culture des lianes d’un poivre sauvage de Madagascar, le tsiperifery. Les méthodes de cueillette en forêt de cette espèce ont engendré la coupe de nombreux tuteurs de lianes de tsiperifery, dégradant ainsi la reproduction de l’espèce et la forêt ainsi que d’autres espèces endémiques qui s'y trouvent (Razafimandimby et al., 2017). Dans l’objectif d’assurer durablement l’exploitation de ce PFNL, un collectif de chercheurs initient en 2016 un programme d’innovation inclusive (Heeks et al., 2014) visant à aboutir à la domestication de cette espèce. La domestication de cette espèce consiste à la reconstitution d’une population de lianes de tsiperifery dans la forêt et à leur plantation en terrains agricoles. Le programme est mis en œuvre par l’intermédiaire de deux projets de recherche et développement similaires : CAPETsip et Dometsip. Les chercheurs ont adopté une démarche participative associant chercheurs et parties prenantes à la co-construction des techniques de culture de la liane, en s’appuyant sur le concept « follow the technology » proposé par Douthwaithe et al. (2003). Une première analyse a démontré que les déterminants de l’adoption de la culture du tsiperifery par les paysans combinent des déterminants à l’échelle individuelle (comme la recherche d’amélioration des revenus par les ménages, les capacités productives de l’exploitation ou l’accès à des informations, intrants et équipements fournis par des projets de développement), mais aussi des déterminants à l’échelle collective (le réseau de communication, l’accès au marché, l’état de dégradation des ressources forestières) (Rasambo et al., 2021). Or, bien que la méthode de coconstruction ainsi que les techniques de culture promues soient similaires, les dynamiques d’adoption observées sont sensiblement différentes d’un cas d’étude à l’autre, et donc d’un territoire à l’autre, du fait des modes d’intervention des projets, mais aussi des caractéristiques des territoires concernés. Dans cette communication nous posons donc la question suivante : quels sont les facteurs de synergie ou de blocage en jeu dans un processus d’innovation de rupture telle que celui de la mise en culture d’un PFNL ? Il s’agit plus spécifiquement d’identifier dans quelle mesure la structure et le fonctionnement du système d’innovation agricole (SIA) du tsiperifery et les caractéristiques des territoires vont être des facteurs de blocage ou de synergie dans la dynamique de domestication du tsiperifery. Cette étude se réfère uniquement à l’analyse du SIA de la culture du tsiperifery. La vérification de l’hypothèse selon laquelle la culture de ce PFNL apporterait un meilleur compromis entre le développement socio-économique des populations rurales et la conservation de la forêt sera traitée dans une communication ultérieure.