Stocker du carbone (C) dans le sol représente à lafois des enjeux agronomiques (amélioration des propriétés physico-chimiques du sol) et environnementaux (réduction de la quantité de CO2 atmosphérique). A Madagascar, le stockage et la protection de C dans le sol, sous systèmes de culture en semis direct avec couverture végétale (SCV) sont étudiés sur un dispositif de longue durée
(11 ans) de la région d’Antsirabe, Hautes Terres malgaches).
Quatre systèmes sont étudiés : un système en labour conventionnel (Conventional-tillage) [CT m/s, maïs (Zea mays L.)-soja (Glycine max.L.)], et trois systèmes en SCV sans travail du sol (No-tillage, NT) [NT m/s, rotation maïs-soja ; NT m/m-d, rotation maïs-maïs avec une couverture végétale de Desmodium uncinatum; et NT h/s-k, rotation haricot (Phaseolus vulgaris)-soja avec une couverture de Pennissetum clandestinum]. Les résidus de récoltes sont exportés de la parcelle pour CT m/s alors qu’ils sont restitués pour les NT.
Les résultats montrent des teneurs en C significativement plus élevées sous systèmes NT par rapport à CT à 0-5 et 5-10 cm de profondeur. Au-delà de 10 cm de profondeur, les deux modes de gestion ne sont plus différents. Les valeurs de stocks de C à masse équivalente indiquent des stockages annuels élevés pour les systèmes NT étudiés, de 0,7 à 1,0 Mg C.ha-1.an-1pour la couche de 0-20 cm. Ce stockage annuel élevé sous systèmes NT est en grande partie attribué à l’importante quantité de biomasse restituée par ces systèmes, par rapport au système labouré. Les teneurs en C élevées sous NT s’accompagnent d’une teneur élevée en macroagrégats (MA) stables à l’eau, de 16 à 33 % plus élevée par rapport à CT, à 0-5 et 5-10 cm. Ces macroagrégats stables contribuent à plus de 80 % à la différence de teneur en C entre systèmes NT et CT. Ceci pourrait induire une protection physique du C setrouvant à l’intérieur des agrégats contre la minéralisation microbienne. Les fractionnements granulo-densimétriques effectués sur ces échantillons permettent de localiser le C stocké sous NT. A 0-5 cm, 30 à 40 % du C stocké sont associés aux matières organiques particulaires internes aux agrégats stables (MOPi) de taille supérieure à 50 μm et 40 à 60 % aux fractions fines de taille inférieure à 50 μm. A 5-10 cm, 60 à 90 % du C stocké sont localisés dans les fractions fines (< 50 μm) du sol. Si la matière organique associée aux fractions fines du sol est protégée physico-chimiquement contre la minéralisation microbienne par son adsorption sur les particules minérales du sol, les MOPi sont protégées physiquement par leur emprisonnement à l’intérieur des agrégats. Par ailleurs, la déprotection de ces MOPi, par broyage grossier (< 200 μm) du sol total ou par broyage fin (< 50 μm) des macro- et mésoagrégats, ne révèle, qu’une faible quantité de C protégé physiquement (de 26,2 à 54,0 μgC.g-1sol). Ceci pourrait s’expliquer par le fait que ces MOPi, comme le montrent les observations au microscopie électronique à balayage, sont recouvertes et imprégnées de fractions fines qui les protègent physico-chimiquement contre la minéralisation microbienne malgré la destruction des agrégats.