Le lac Alaotra reste une zone d’immigration importante malgré une population rurale qui double tous les 18 ans. Le foncier est saturé dans les zones basses irrigables (riziculture irriguée contrôlée), les rizières à mauvaise maîtrise de l’eau et les zones de « baiboho » (sols d’alluvions exondés riches, de plaine avec accès à l’eau phréatique pendant la saison sèche). L’expansion en termes de nouvelles terres à cultiver se fait donc sur les zones exondées des collines environnant la plaine du lac (les « tanety »). La diversité des sols, leur fragilité (avec des phénomènes érosifs et géologiques importants comme ceux des « lavaka » (zone d’effondrement des tanety), la déforestation massive dans les fonds de vallées et les bas de pente et l’élevage bovin extensif initialement basé sur la vaine pâture ont créé une forte diversité dans les paysages et les conditions de mise en valeur des terres. Cette large gamme de situations implique, pour les actions de développement, de proposer des techniques diversifiées et localement adaptées, notamment des systèmes de culture permettant une production régulière et durable (basée sur la réduction des risques), une protection des sols contre l’érosion et une « mise en défens » aboutissant à une renégociation des relations agriculture - élevage. Les systèmes de semis direct sur couverture végétale (« SCV »), introduits et diffusés par le projet BV Lac depuis 2003, semblent prometteurs dans cette voie. Le suivi de plusieurs centaines de parcelles, encadrées par l’opérateur BRL, a permis la création d'une base de données solide reprenant les résultats réellement observés en milieu paysan. Liée à une approche « exploitation », centrée sur la prise en compte des stratégies paysannes et des contraintes liées à l’ensemble des activités agricoles, l’exploitation de cette base de données permet de mieux appréhender les processus d’innovation locaux face à ce changement de paradigme important pour les producteurs. En effet, les techniques novatrices de l’agro-écologie impliquent l’abandon du labour et la combinaison de plantes dont certaines ne sont pas productives mais qui génèrent, au sein du système, des externalités positives. De plus, ces techniques s’accompagnent d'un certain niveau d’intensification permettant de valoriser les variétés améliorées introduites, en fonction des sols et surtout de la situation financière des exploitations. La gestion du risque et la régularité des productions dans le cadre de stratégies anti-aléatoires sont au coeur de ces processus d’innovation en cours, lesquels montrent une remarquable flexibilité dans l’adaptation et l’appropriation et induisent quelquefois la modification du comportement des paysans face à des systèmes somme toute complexes, nécessitant l’accès à de nombreux services encore embryonnaires dans la région.